L’Université Queen’s en voie de pousser le personnel postdoctoral au débrayage

Les postdoctorantes et postdoctorants de l’Université Queen’s pourraient perdre l’accès à leurs locaux de recherche à compter du 12 novembre.

Après plus d’un an de pourparlers avec la section locale 901, unité 2 de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (SLCD 901), l’Université Queen’s a orchestré toute une campagne pour faire accepter aux chercheuses et chercheurs postdoctoraux un contrat que le syndicat juge inadéquat.

La possibilité d’un lockout laisse planer une grande menace sur la recherche en cours à l’Université. C’est une situation sans précédent dans l’histoire de la recherche au Canada : jamais un employeur, que ce soit du secteur public ou privé, n’a mis de postdoctorantes et postdoctorants en lockout. Or, à l’Université Queen’s, ils sont plus de 200, en début de carrière, et leur salaire est en grande partie financé par des subventions des gouvernements provincial et fédéral, de même que par des membres du corps professoral qui les paient de leur poche.

Le 26 octobre, l’Université a obtenu un avis de non-constitution d’une commission, un document légal remis par le ministère du Travail, qui lui donne le droit de déclencher un lockout et d’empêcher le personnel postdoctoral d’accéder à leurs postes de travail et à leurs locaux de recherche dès 00 h 01 le 12 novembre.

Un lockout est un moyen de pression de l’employeur pour inciter un groupe de personnes salariées à accepter certaines conditions d’emploi. L’employeur peut, en toute légalité, empêcher son personnel d’accéder aux espaces de travail, à la technologie et à l’équipement ou d’accomplir des tâches professionnelles, y compris la recherche. Il peut également suspendre le versement de la paie. En somme, un lockout est une grève forcée déclenchée par l’employeur et à laquelle lui seul peut mettre fin sans que le personnel ni le syndicat ne puissent intervenir.

Historique de la négociation

La convention collective des postdoctorantes et postdoctorants est arrivée à échéance le 30 juin 2023, et les négociations ont été amorcées en octobre 2023 sur une note dissonante. Dès le premier jour des pourparlers, l’employeur a annulé, sans proposer de remplacement, un projet pilote qui donnait accès aux postdoctorantes et postdoctorants et leur famille à un programme de soutien pour la santé et le bien-être.

Tout au long de l’année, l’Université a mis du temps à répondre aux principales revendications de son personnel et s’est montrée très peu encline aux pourparlers. En août, malgré la volonté manifeste du syndicat à poursuivre les négociations en tête à tête, l’Université a déposé une demande de conciliation auprès du ministère du Travail parce que les négociations étaient soi-disant dans une impasse.

Le 16 octobre, l’Université a lancé un ultimatum en remettant une offre qu’elle qualifiait de finale et qui expirerait à 23 h 59 le jour même. Sachant que les membres n’accepteraient pas cette offre, la SLCD 901 n’a eu d’autre choix que de la refuser. L’Université a répliqué le 21 octobre en demandant un avis de non-constitution d’une commission, une mesure robuste qui accélère le cheminement vers un éventuel lockout et qui indique que l’employeur se prépare à en décréter un.

Malgré ces revers, l’équipe de négociation de la SLCD 901 demeure inébranlable et continue de demander à l’employeur de se pencher sérieusement sur les questions d’accès aux soins de santé, de soutien à la santé mentale, des fonds pour la réinstallation, des mesures de protection et des salaires. Le syndicat appelle à la solidarité et à l’action pour soutenir le personnel postdoctoral de l’Université Queen’s durant cette étape cruciale de cette ronde de négociation, où plane la menace d’un lockout.

Revendications

Les postdoctorantes et postdoctorants sont des chercheurs hautement qualifiés qui se spécialisent dans diverses disciplines et qui participent à des projets novateurs qui auraient une grande incidence positive sur les populations et le monde. Le personnel postdoctoral de l’Université Queen’s contribue dans une large mesure au rayonnement de la recherche de l’établissement puisqu’il l’aide à obtenir des millions de dollars en subventions et contribue à l’enseignement et aux travaux des comités.

Or, Malgré leurs contributions, ces personnes sont souvent mal rémunérées. À l’heure actuelle, le salaire d’entrée des postdoctorantes et postdoctorants est de 35 958 $, soit environ la même somme que toucherait une personne qui travaille à temps plein au salaire minimum en Ontario. À titre de comparaison, les lignes directrices du gouvernement fédéral indiquent que le salaire minimum du personnel de recherche postdoctorale qui touche du financement des trois organismes s’élève à 70 000 $. Outre le problème des salaires, les postdoctorantes et postdoctorants n’ont pas droit à plusieurs avantages sociaux, comme les soins de santé et les services de garde offerts au personnel étudiant de cycle supérieur.

Appel à la communauté

Dans une lettre envoyée aux directions de départements et aux chercheuses et chercheurs principaux mardi soir, la SLCD 901 a exprimé sa déception. Elle a exhorté les chercheuses et chercheurs (les professeures et professeurs responsables de l’embauche et les superviseures et superviseurs) à envoyer des courriels à l’administration de l’Université pour lui demander de négocier, en collaboration avec le personnel postdoctoral, un contrat qui reflète la dignité, le respect et les salaires équitables qu’il mérite, au lieu de l’utiliser comme pion pour « économiser quelques dollars ».

Le syndicat a commencé à recevoir des témoignages de solidarité provenant de gens du milieu universitaire, de la municipalité, de la province et d’ailleurs au pays. Il entend commencer à publier des déclarations avant le 12 novembre, jour où, selon lui, l’Université saisira toute l’ampleur de la force collective et de la solidarité dont les postdoctorantes et postdoctorants bénéficient.